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Hommage à Alexandre Anor

Alex, mon Camarade, mon Ami, mon Frère.
 
En adhérant au Parti Socialiste en 1974, quand les victimes du coup d’état au Chili tentaient de se réfugier en Suisse, malgré l’opposition du Conseil fédéral, j’ai assez vite constaté que les pratiques du PS n’étaient souvent pas cohérentes avec son programme. Que les grands principes sociaux et humanistes laissaient trop souvent la place à un pragmatisme mou.

Heureusement, dans ce Parti Socialiste Genevois, il y avait des André Chavanne, des Jean Ziegler, des Lucien Tronchet, des Berthier Perregaux, des Fulvio Moruzzi, et beaucoup de militantes et militants admirables mais moins connus, dont aussi et surtout Alexandre Añor.

Catherine et Alex venaient des Jeunesses Socialistes, avec leur énergie et leur enthousiasme.

Nous avons immédiatement et naturellement milité ensemble, comme des camarades au sens noble de ce joli nom, comme le chante Jean Ferrat. Comme deux frères, semaine et week-end, pour tenter d’ancrer à gauche ce PS qui avait tendance à glisser au centre. Pour tenter de le transformer en fer de lance du combat pour une société humaniste, juste et solidaire.

Si le combat contre le statut de saisonnier a été gagné, plusieurs n’ont pas encore abouti comme celui pour l’égalité des salaires pour un travail égal.

Avec la Commission de solidarité internationale, dont Alex était le moteur, nous luttions pour les droits politiques des immigrés, contre la xénophobie, le racisme et le démantèlement du droit d’asile, pour le droit des peuples à vivre en paix sur leurs terres et dignement de leur travail.

Au comité directeur, nous luttions pour que le réalisme électoral ne fasse pas oublier le programme du parti. Nous réussissions parfois à convaincre la majorité de nous suivre.

Dès 1980, avec le groupe d’Yverdon, qui regroupait l’aile gauche dans tout le pays, nous avons cherché à ancrer fermement le Parti à gauche.

Quand nous n’étions pas en train de gagner notre vie devant les élèves, nous étions dans la rue ou en réunion. Nous allions dans tous les coins de Suisse tenter de rallier les militants. Nos familles n’avaient pas d’autre choix que de supporter nos absences continuelles.

L’apothéose de ce mouvement fut ce Congrès du PSS où 40% des délégués nous suivirent en votant pour la sortie du Conseil fédéral.

Ce fut simultanément un an et demi d’investissement démentiel en temps pour tenter d’imposer un hebdomadaire socialiste dans le paysage de la presse genevoise. La Tribune socialiste hebdomadaire. « L’hebdromadaire qui manquait dans le désert de la presse » comme Alexandre l’avait si bien dessiné. Sortir chaque semaine un journal militant, mais de qualité, nous a épuisé, mais l’aventure en valait la peine. Dommage que les élus n’y aient pas cru. Il n’y a plus eu de voix socialiste dans la presse depuis.

Dessin d’Alexandre pour les autocollants du lancement de la Tribune Socialiste Genevoise hebdRomadaire)

Catherine a toujours été un soutien admirable pour son camarade-mari. D’autres couples, comme le mien, n’y ont pas survécu…

Ses qualités artistiques, Alexandre les a régulièrement mises bénévolement au service de la solidarité. Comme les illustrations dans ce manuel scolaire pour les enfants saharaouis.

Alexandre, a tout donné au combat pour le socialisme ; il n’a jamais rien demandé pour lui au PS, ni poste ni privilège. 

Ces dernières années, cette terrible maladie l’a coupé de ses proches et du monde. Révoltés contre cette injustice, tristes devant notre impuissance, nous l’avons vu avec tristesse, lui si brillant et si actif, nous quitter progressivement.

Mais, dans mon esprit comme dans mon cœur, j’aurai toujours le souvenir du camarade exemplaire, du militant exceptionnel, de l’honnête homme.

Chère Catherine, qui a toujours été à ses côtés, tu peux être fière de ton compagnon ; chers Joaquim et Pablo, vous pouvez être fiers de votre père ; chers Camarades qui l’avez connu, souvenez-vous avec fierté de l’Homme avec un grand H et du Socialiste avec un grand S qu’aura été Alexandre Añor.

Hasta siempre Alejandro !

Bernard Béroud