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Le Collège du travail : un engagement plus que nécessaire

Collège du Travail
Charles Magnin et Georges Tissot

La récente mise en ligne sur le site du Collège du travail de l’inventaire des archives d’Amelia Christinat (1926-2016), militante socialiste et féministe et conseillère nationale genevoise de 1978 à 1987, est l’occasion de rappeler le rôle et l’importance d’un lieu comme le Collège du travail pour la conservation et la mise en valeur de la mémoire ouvrière. Sans institutions qui leur soient spécifiquement consacrées, l’histoire et les archives du mouvement ouvrier et des classes populaires sont en effet trop souvent oubliées, négligées ou invisibilisées.

Le Collège du travail a été créé en 1978 par Lucien Tronchet (1900-1982) et plusieurs de ses camarades syndicalistes de la Fédération ouvrière sur bois et du bâtiment (FOBB), ainsi que par des militant-e-s socialistes, pour conserver des traces de leurs “Combats pour la dignité ouvrière”, le titre que Tronchet donne à ses mémoires publiés en 1980 par le Collège du travail. Pour eux, il s’agissait notamment de faire connaître la défense vigoureuse, dans les années 1920 et 1930, des premières conventions collectives de travail du secteur du bâtiment, entre autres à la nouvelle génération de militant-e-s issu-e-s de Mai 68.

De 1984 à 1997, la présidence du conseil de fondation du Collège du travail, dont André Chavanne (1916-1990) fait aussi partie pendant quelques années, est assurée par la militante féministe et socialiste Jacqueline Berenstein-Wavre (1921-2021), qui promeut alors avec succès un nouveau champ d’action de notre fondation visant à la reconnaissance de la valeur économique et sociale du travail ménager.

Un soutien nécessaire à des missions plus que jamais indispensables

Depuis maintenant quarante-cinq ans, la mission du Collège du travail est toujours de préserver de la destruction et de l’oubli de multiples traces de la vie et de l’action du monde du travail et des classes populaires à Genève, pour en cultiver la mémoire et l’histoire en lien avec l’actualité, à travers la collecte, l’inventaire, l’étude et la valorisation d’archives de toutes sortes, provenant de particuliers comme de collectifs. Ces archives sonores, photographiques ou documentaires d’un grand intérêt culturel et pédagogique sont consultables dans nos locaux et mises en valeur sur notre site web (www.collegedutravail.ch), notamment à travers notre podcast “Voix d’en bas”.

Notre fondation travaille aussi à mettre en relation des milieux scientifiques, artistiques et militants autour de l’organisation d’échanges intergénérationnels de divers ordres, notamment des rencontres-débats, visant à relier dynamiquement la mémoire, l’histoire et l’actualité du mouvement ouvrier et des classes populaires à Genève. Au fil du temps, le Collège du travail a également concrétisé cette ambition à travers la publication de plus d’une cinquantaine d’ouvrages parmi lesquels figurent plusieurs mémoires de militant·e·s, en particulier de syndicalistes, témoignant de leur existence et de leurs luttes, ainsi que d’importantes études historiques et sociologiques relatives au mouvement ouvrier et aux classes populaires genevoises, d’hier à aujourd’hui.

Depuis 2019, le Collège du travail a vu se multiplier les possibilités et les modalités de valorisation de ses ressources documentaires et il a diversifié en profondeur les partenaires institutionnels et associatifs avec lesquels il travaille à la sauvegarde et à la valorisation des archives qu’il conserve dans la perspective de faire mieux connaître et reconnaître les apports importants à la vie de Genève de composantes-clés de notre société encore largement “invisibilisées”.

Favoriser de diverses façons – notamment par des expositions et des “balades historiques” ainsi qu’au travers d’ateliers d’histoire sociale – l’accès des classes populaires suisses et immigrées à leur reconnaissance historique dans l’espace public et dans la mémoire collective de notre temps est essentiel pour fortifier leur sentiment d’appartenance à notre société politique. Le succès rencontré par l’exposition Nous saisonniers, saisonnières…, Genève 1931-2019, co-organisée en 2019 par le Collège du travail, les Archives contestataires et les artistes du collectif curatorial Rosa Brux illustre bien ce double mouvement entre les sentiments de reconnaissance et d’appartenance.

Présentée au Commun pendant trois semaines, elle a été vue par des centaines de familles de saisonniers et de saisonnières et leurs descendant·e·s, et par un grand nombre de militant·e·s ayant combattu le statut de saisonniers. Des milliers d’immigré·e·s ont pu y voir un hommage public enfin rendu à leur travail et à leurs souffrances au bénéfice de la Suisse, et les adversaires du statut de saisonnier une reconnaissance de la légitimité de leurs combats.

En 2022, le Collège du travail et le Comité du 9 novembre ont aussi présenté sur la Plaine de Plainpalais l’exposition qu’ils ont réalisée pour marquer les 90 ans de l’intervention meurtrière de l’armée suisse à Genève ce jour-là, un épisode historique tragique qui fait l’objet de batailles mémorielles incessantes qu’il est impératif de mener contre les falsificateurs du passé et les détourneurs de son sens.

C’est pourquoi la continuation des missions historiennes remplies par le Collège du travail nous paraît plus que jamais utile et nécessaire à l’heure où les batailles idéologiques et politiques autour de l’écriture et de la réécriture de l’histoire se multiplient et s’intensifient, enclenchant en outre autant de batailles mémorielles aigües sur ce qui s’est vraiment passé et se passe, dans le passé comme dans le présent. Avec des enjeux éminemment politiques, et désormais démocratiques, attachés aux “narratifs” en compétition – en particulier via les media et les réseaux sociaux -, pour obtenir les “adhésions” plus ou moins lucides de nos esprits et de nos cœurs – pour ne pas dire de nos “tripes”.

C’est pourquoi, fort du bilan de son action depuis 1978 et avec les perspectives esquissées ici, notre fondation sollicite votre soutien en vous demandant d’adhérer à l’association des Amis et Amies du Collège du travail, toutes adhésions qui contribueront à le légitimer dans la poursuite de ses objectifs (https://www.collegedutravail.ch/soutenez-nous).