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Qui a peur de la rue ?

Session des 12 et 13 octobre 2023

Il faudra toujours demander l’autorisation expresse des autorités pour manifester à Genève. Par 59 voix contre 28, la majorité de droite élargie (UDC-PLR-Centre-LJS-MCG) a refusé d’entrer en matière sur un projet de loi qui proposait le passage à un système d’annonce – en lieu et place du système d’autorisation prévalant aujourd’hui. Soutenu par la Coordination genevoise pour le droit de manifester (CGDM), ce renversement de logique aurait permis de renforcer l’exercice de cette liberté fondamentale, qui se trouve au cœur de l’expression démocratique.

Le droit de réunion pacifique est un droit fondamental consacré par le droit international, notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne du même nom. Ces textes fondateurs prévoient que la liberté d’expression collective doit être garantie.

Or, à Genève, ce droit s’est trouvé affaibli depuis l’entrée en vigueur, en 2008, de la Loi sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu). Dans les années qui ont suivi sa mise en œuvre, la CGDM a effectivement recensé de nombreux cas d’interprétation problématique de ce texte de loi et d’entraves au droit de manifester (intimidation lors de demandes d’autorisation, usage disproportionné de la force contre des manifestant-es, sanctions abusives, etc.). De telles pratiques sont inacceptables. Elles ont un effet dissuasif sur la population et constituent un réel frein à l’exercice du droit de manifester.

Tous les experts internationaux, de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Conseil de l’Europe) au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (OSCE), en passant par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique, s’accordent sur le fait qu’un régime dit de «notification préalable» (système d’annonce) est préférable à un régime d’autorisation, ce dernier ouvrant davantage la porte à des abus. Du reste, nombre de nos voisins européens appliquent déjà ce «simple» système d’annonce.

Usant de tournures choquantes, la droite du Grand Conseil n’a pas eu de mots assez forts pour dénoncer ce qu’elle a qualifié de « tentative de prise de pouvoir de la gauche sur le domaine public ». A l’en croire, le vote de ce projet de loi promettait « l’anarchie complète », voire « des affrontements sanglants sur la place publique » (sic!). Illustrant bien la perception de la droite des mouvements sociaux et des actions de la société civile en général, le rapporteur de majorité n’a ainsi pas eu peur de résumer les enjeux en présence sous la formule suivante : « Etes-vous du côté des casseurs ou du côté des commerçants ? ».

Dénonçant de tels propos, le groupe socialiste et celui des Vert-e-s ont tenté à plusieurs reprises, mais en vain, de renvoyer le texte en commission pour qu’un travail sérieux puisse être réalisé sur cette question importante (sérieux qui avait manqué à l’occasion du premier traitement en commission, pour le moins expéditif). La droite majoritaire a toutefois persisté et s’est contentée de balayer d’un revers de main ces demandes, de même que le projet de loi.

Lire le rapport de la commission judiciaire et de la police

Thématiques associées: Droits fondamentaux

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