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Une Vie ici, une Voix ici… Vers un printemps plus démocratique

Genève, ville internationale, est riche d’une population venant des cinq continents. La prospérité et la richesse de la Suisse, et de Genève, se sont notamment construites grâce à l’immigration. Pays d’émigration jusqu’au 19ème siècle, la Suisse s’est bâtie par la suite grâce à l’immigration, ces personnes et familles venues de plusieurs pays d’Europe notamment. La Suisse est le pays d’Europe qui compte la plus grande part de population étrangère et Genève connait la plus forte proportion puisque 41 % de sa population est étrangère. Les résident-es étranger-ères contribuent grandement à la prospérité du Canton, ils et elles apportent leurs compétences, paient leurs impôts et assument les mêmes devoirs que les Suisses. Les mêmes devoirs mais pas les mêmes droits.

Les tentatives pour élargir le socle des citoyennes et des citoyens à Genève ont commencé bien avant le succès de « J’y vis, j’y vote » mais elles ont toutes échoué. En 2005, l’initiative « J’y vis, j’y vote » (la cadette) visant le droit de vote communal sans celui d’éligibilité est approuvée par une majorité du corps électoral. Genève est alors le premier canton où l’octroi des droits politiques aux résident-es étranger-ères résulte de l’acceptation d’une initiative populaire. Lors de la révision de la Constitution genevoise en 2012, la proposition d’accorder l’éligibilité communale n’a pas été retenue. En 2019, l’Alternative dépose un projet de loi au Grand Conseil visant à octroyer les droits politiques complets aux niveaux communal et cantonal. Alors qu’en commission, une majorité, dont Le Centre, s’était prononcée en faveur, ce projet de loi s’est vu opposer un refus en plénière en 2021. N’en restant pas là, un large front unissant partis politiques, associations et syndicats a déposé, en 2022, l’initiative « Une Vie ici, une Voix ici… Renforçons notre démocratie ! » (ViVoICI).

Cette initiative, dont la campagne battra son plein pendant ce printemps, est soumise à votation le 9 juin prochain. Elle vise à octroyer les droits politiques complets à savoir voter, élire, se porter candidat-e, signer des initiatives et référendums, au niveau communal et cantonal. Les résident-es étranger-ères pourraient obtenir ces droits après 8 ans de résidence en Suisse. Cette initiative permettra donc une meilleure représentation des opinions au sein de notre démocratie semi-directe et renforcera la cohésion sociale. Après 8 ans de résidence ici, de contribution à la vie sociale, économique et culturelle du Canton, il est normal qu’un socle plus important de Genevois-es ait la possibilité de s’exprimer sur des sujets comme le logement, la santé, la formation, la mobilité et la fiscalité qui nous concernent toutes et tous. Cette initiative est un projet pour une citoyenneté dynamique et cantonale où la participation politique ne peut plus être cantonnée et légitimée par la nationalité. Depuis 2018, l’accès à la naturalisation a été fortement restreint et de nombreuses personnes en sont exclues pour des motifs économiques et sociaux.

Dans d’autres cantons romands, Neuchâtel, Jura, Vaud et Fribourg, les droits de vote et d’éligibilité sont accordés aux résident-es étranger-ères dans les communes. Neuchâtel et Jura leur accordent aussi le droit de vote au niveau cantonal. Le Canton de Bâle-Ville devra lui aussi se prononcer au cours du printemps sur l’octroi du droit de vote et d’éligibilité au niveau cantonal, proposition qui a été soutenue par le Conseil d’État. Nous comptons sur Genève et ses forces progressistes pour que cette initiative triomph

Xhevrie Osmani
Députée au Grand Conseil

Le droit de vote des étranger-ères : un enjeu de justice

Entretien avec Matteo Gianni, professeur en sciences politiques à l’Université de Genève et spécialiste en théorie politique de la citoyenneté et du multiculturalisme.

Les initiant-es de ViVoICI postulent que le système actuel exclut 40 % des habitant-es du Canton de décisions qui les concernent. Est-ce que cela remet en question la démocratie genevoise ?
Cette initiative a le mérite de vouloir inclure politiquement une catégorie de la population qui est exclue de manière assez arbitraire. C’est une initiative très novatrice car elle ne corrige pas seulement une injustice politique. Elle amène une conception de la citoyenneté fondée sur la résidence et non pas sur la nationalité. Nous vivons dans un monde où les parcours migratoires ne correspondent plus à cette logique où on migre, on s’établit définitivement dans un pays et on se naturalise. Avoir son mot à dire sur les lois formulées par une société à laquelle on contribue, lois auxquelles on est soumis-e, est une des bases de la démocratie. Donner le droit d’élire et d’être élu-es à ces personnes me semble donner une signification plus profonde à la notion de démocratie.

Un argument des opposant-es à cette initiative est qu’elle est inutile puisque la procédure de naturalisation existe. Est-ce un problème de réserver la participation politique aux personnes qui ont la nationalité, alors que cette procédure exige l’intégration et la participation de celles et ceux qui la demandent ?
La naturalisation en Suisse implique qu’on s’intègre socialement, économiquement et même culturellement avant de pouvoir agir politiquement. Un des mérites de l’initiative est de renverser cette logique. Avoir des droits politiques amène à s’informer, à discuter davantage de sujets politiques et à développer une plus grande confiance envers les institutions. On s’intègre parce qu’on est un acteur politique et non plus l’inverse. Je trouve réducteur de dire qu’on cherche à court-circuiter la procédure fédérale de naturalisation en donnant des droits politiques au niveau du Canton. Cette initiative n’est pas une Genferei, c’est une manière différente de poser la question de la représentation démocratique et donc de la justice démocratique, dans un pays où environ 25 % des résident-es sont exclu-es des droits politiques.

Propos recueillis par Alexandre Goumaz

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