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Hausse de la précarité à Genève

Interview de Thierry Apothéloz, Conseiller d’État chargé de la cohésion sociale

Les associations alertent : la précarité s’accroît fortement à Genève. Que constates-tu ?
Les chiffres confirment ces observations. Depuis fin 2022, le nombre de personnes à l’aide sociale a augmenté de près de 40 %. En août 2025, nous avions déjà dépassé le nombre de dossiers prévus pour toute l’année. Cela traduit une dégradation rapide des conditions de vie pour une part croissante de la population.

Quelles en sont les causes principales ?
Il n’y a pas un facteur unique mais une accumulation : inflation post-Covid, diminution des économies personnelles, emplois précaires, coûts du logement et des primes d’assurance-maladie les plus élevés de Suisse, proportion très importante de jeunes sans diplômes. Ce sont des fragilités structurelles qui se renforcent mutuellement et poussent de nombreuses personnes à l’aide sociale qui constitue le dernier filet.

Quelles catégories sont aujourd’hui les plus concernées ?
Les jeunes adultes, les personnes de plus de 60 ans, les familles monoparentales et de plus en plus de personnes actives. En 2025, 28 % des nouveaux dossiers concernent des ménages avec un revenu d’activité, contre 21 % en 2024. Cela dit beaucoup de la fragilisation de notre marché du travail.

La nouvelle loi sur l’aide sociale (LASLP) n’aurait-elle pas dû prévenir cette hausse ?
La nouvelle loi sur l’aide sociale, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, n’est pas une baguette magique. Elle vise avant tout à permettre aux bénéficiaires de sortir durablement de la précarité grâce à un accompagnement renforcé et à des mesures de réinsertion socioprofessionnelle. Mais il faut être clair : cette loi n’agit pas sur les causes des nouvelles entrées à l’aide sociale qui dépendent du contexte économique actuel et d’autres politiques publiques telles que l’emploi et la formation.

Concrètement, quelles mesures sont prises pour agir au-delà de l’urgence ?
J’ai mis en place une task force avec l’Hospice général (Hg), les communes et les associations afin d’analyser la situation actuelle et prendre des mesures rapides. L’Hg va intensifier ces mesures d’insertion professionnelle tandis qu’au Département de la cohésion sociale, nous travaillons notamment à une révision des prestations complémentaires familiales qui cherche à réduire la pauvreté des familles actives en agissant en amont de l’aide sociale.

La majorité de droite critique le coût croissant du social. Que réponds-tu ?
Je refuse catégoriquement l’idée d’abandonner les personnes les plus vulnérables, car chacun-e peut un jour traverser une période difficile. Par ailleurs, plus l’accompagnement intervient tôt, plus la réinsertion sociale et professionnelle est solide, et plus les coûts pour la collectivité sont maîtrisés à terme. C’est pourquoi il est urgent d’assumer une politique sociale ambitieuse, fondée sur le principe d’investissement social plutôt que sur la logique comptable et à court terme de la droite.

Thierry Apothéloz
Conseiller d'Etat — Chargé du Département de la cohésion sociale (DCS)

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