Face à la menace sérieuse et imminente qui pèse sur la diversité du paysage médiatique genevois et au risque d’enlisement dans cette situation délétère, le groupe socialiste au Grand Conseil a présenté ce matin un nouveau projet de loi pour la création d’une Fondation publique d’aide aux médias.
La récente annonce, par le groupe Tamedia, d’une nouvelle restructuration d’envergure (avec la fermeture de deux imprimeries et la suppression de près de 200 postes) a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu médiatique romand, et genevois en particulier.
Si, au sein de la classe politique, toutes et tous semblent désormais conscient-es de la nécessité d’agir pour sauvegarder la diversité et la qualité de la presse locale, les groupes représentés au Grand Conseil peinent pourtant à formuler des mesures concrètes pour stopper l’érosion du paysage médiatique genevois.
Mais pas le PS, qui revient ce jour avec un projet concret d’aide à la presse, déjà proposé il y a 7 ans (!) – sous une forme légèrement différente – mais que la majorité parlementaire d’alors, déjà bien ancrée à droite, avait négligemment balayé.
La proposition consiste en la création d’une Fondation de droit public, dont l’objectif serait de soutenir financièrement les médias locaux. Dotée d’un capital initial de 10 millions, cette fondation pourrait allouer 2 types d’aides : d’une part une aide à la création de nouveaux médias, d’autre part une aide à la production et la diffusion de contenus journalistiques pour des médias existants.
Afin de préserver son autonomie et son indépendance du pouvoir politique, le Conseil de fondation serait composé selon une règle des « 3 tiers » :
- 1/3 de spécialistes des médias nommé-es par le CE ;
- 1/3 de représentant-es de la profession nommé-es par les associations de journalistes ;
- 1/3 de résident-es genevois-es tiré-es au sort parmi un panel de volontaires.
Par souci du bon usage des deniers publics, un certain nombre de cautèles ont été posées (aide réservée aux médias généralistes, dont la partie rédactionnelle doit représenter au minimum 75% du contenu et dont le siège doit en principe être à Genève ; interdiction du versement de dividendes durant une période de 2 à 10 ans après la perception de l’aide ; etc.). Les médias gratuits, à la condition qu’ils remplissent l’ensemble de ces critères, pourraient également en bénéficier.
Le but de cette Fondation ne serait naturellement pas de racheter les médias – ce qui risquerait de mener à terme à une nouvelle concentration problématique des titres – mais bien de leur offrir un soutien financier suffisant pour assurer leur pérennité, et par là même garantir l’existence et la sauvegarde d’une presse locale plurielle, libre et indépendante.
La démocratie directe est un régime exigent, la libre formation de l’opinion y occupe une place centrale. Or le modèle reposant sur un financement exclusivement privé des médias (à travers la publicité, les abonnements ou le mécénat) a aujourd’hui atteint ses limites. Il revient à l’État de garantir l’accès, dans notre canton, à une information diversifiée et de qualité, afin de permettre aux citoyen-nes de faire des choix conscients et éclairés chaque fois qu’elles et ils se rendent aux urnes.
Le projet de loi sera déposé cet après-midi au Grand Conseil. Le PS espère qu’il pourra être traité rapidement et, surtout, que l’urgence de la situation mènera cette fois-ci la majorité parlementaire à faire le bon choix, à oser sauter le pas et à enfin adopter une mesure concrète et courageuse – pour nos médias, pour notre démocratie et pour l’intérêt général.
Pour plus d’informations :
- Caroline Marti, députée au Grand Conseil, autrice du projet de loi
- Matthieu Jotterand, chef du groupe socialiste au Grand Conseil
- Thomas Wenger, président du PS genevois