Une majorité du Grand Conseil a profité d’une adaptation au droit fédéral de la LAMat (loi instituant une assurance en cas de maternité et d’adoption) pour y ajouter la possibilité d’un partage entre les deux parents du congé et de l’allocation d’adoption offerts à Genève. Si l’intention est louable et si la disposition votée semble à première vue aller dans le bon sens, elle ouvre en réalité une brèche dangereuse dans les acquis des mères.
Dans sa version initiale, le projet de loi du Conseil d’Etat se limitait à intégrer les nouvelles modalités du droit fédéral en matière de congé d’adoption, votées à Berne en octobre 2021. Ces changements superficiels ne présentaient aucun enjeu particulier. Mais sur proposition du groupe des Vert-e-s, un amendement est venu y ajouter la possibilité, pour les parents adoptifs, de se répartir tout ou partie des 16 semaines de congé qu’offre Genève.
Telle que formulée, cette disposition est problématique. Car en effet, il ne s’agit nullement d’un congé complémentaire, qui viendrait en sus afin de permettre au second parent d’être également présent auprès de son enfant durant cette période, mais bien d’un partage de l’existant.
Cette manière de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » est toujours dangereuse, surtout en matière d’acquis sociaux. Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour que le PLR s’enthousiasme et évoque déjà la possibilité d’étendre une telle modalité de partage au-delà du cadre particulier des adoptions. Les termes utilisés sont révélateurs et ne laissent planer aucun doute sur les intentions des libéraux, qui ont jugé cette discussion « intéressante » car elle « désacralise les deux semaines supplémentaires du congé maternité actuel » (sic !).
Le groupe socialiste, aux côtés d’Ensemble à gauche, a tenté d’attirer l’attention de la majorité parlementaire sur le risque que représente l’introduction d’une telle brèche dans notre législation en matière de maternité et d’adoption. Un amendement a ainsi été déposé pour revenir à la version initiale du projet de loi, amendement hélas refusé par les autres groupes.
Il est clair que la situation en matière de parentalité et de congé à l’arrivée d’un enfant est très loin d’être satisfaisante. Les Socialistes n’ont d’ailleurs pas manqué de rappeler à quel point la Suisse, et même Genève, est à la traîne sur ces aspects en comparaison internationale. Mais c’est en revendiquant un réel congé parental – comme celui de 18 semaines pour chacun-e des parents proposé il y a déjà plusieurs années par le PS et ses allié-es – que nous parviendrons à combler ce retard. Pas en rabotant les droits des mères.
Le droit fédéral devant entrer en vigueur le 1er janvier 2023, le vote en urgence de ce projet de loi était inéluctable. Les Socialistes resteront toutefois vigileant-es sur la suite des discussions, notamment dans le cadre des travaux autour de l’initiative des Vert’libéraux (IN 184), qui présente exactement les mêmes risques…