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Stratégie pénitentiaire: faut-il agrandir les prisons genevoises? Les Socialistes disent NON, le Grand Conseil dit OUI

Session des 23 et 24 mars 2023

Dans le prolongement du refus en 2020 d’un nouvel établissement pénitentiaire surdimensionné (« Les Dardelles »), le Grand Conseil était appelé vendredi à se prononcer sur un projet de planification pénitentiaire porté par le Conseiller d’Etat MCG Mauro Poggia. Malgré l’opposition réitérée du groupe socialiste à la vision du « tout-carcéral » qui prévaut encore à Genève, cette loi-cadre qui laisse de nombreuses questions en suspens a été approuvée par une majorité UDC-PLR-PDC-MCG.

Pour mémoire, en 2018, le Conseil d’Etat avait soumis aux député-es un projet de construction d’un nouvel établissement pénitentiaire, “Les Dardelles”. Une majorité des groupes, au premier rang desquels le groupe socialiste, avait toutefois refusé d’entrer en matière sur ce projet complètement surdimensionné, qui traduisait la fuite en avant d’un canton qui enferme trop et toujours plus.

Cette fois, ce n’est pas un projet de construction concret mais une stratégie de planification pénitentiaire qui était soumise à l’approbation du Grand Conseil. Au cœur de ce document, qui s’articule autour de 5 axes, la question des infrastructures et de leur taille a cristallisé les oppositions. Et pour cause, puisque Genève connaît une situation extrêmement critique de surpopulation carcérale. Le taux d’occupation actuel à la prison de Champ-Dollon se monte à 133%, impliquant des conditions de détention très dures et inacceptables, que subissent directement les personnes détenues, mais également le personnel de la prison.

Face à cela, le réflexe de la droite est somme toute assez primaire : il s’agit d’augmenter le nombre de places et lieux de détention. C’est en filigrane ce que contient la planification pénitentiaire débattue lors de cette session. Il existe pourtant un autre levier pour agir contre la surpopulation ; celui du taux d’incarcération. Car enfermer à tours de bras, en plus de briser des vies et de fragiliser des existences, coûte cher à la collectivité.

Or Genève est le champion de la détention provisoire – un état de fait qui découle directement de la politique du Ministère public genevois. Des dizaines, voire centaines de personnes encombrent ainsi nos prisons alors qu’elles n’auraient rien à y faire (notamment celles condamnées pour amendes impayées ou délit de mendicité). En plus d’être moralement inacceptable, il est particulièrement absurde d’entendre combattre la précarité sociale par la voie de la répression…

Le groupe socialiste a dès lors questionné la nécessité des 336 places de détention supplémentaires annoncées par le Département de la sécurité (DS), dont 50 nouvelles places pour les femmes et 20 places de détention administrative. Il n’a en revanche bien sûr pas été question de contester l’état de vétusté et de dégradation dans lequel se trouve les infrastructures actuelles (Champ-Dollon en premier lieu), dont la rénovation s’impose absolument. Les Socialistes ont toutefois exprimé leurs craintes et leur refus que cela serve de prétexte à l’augmentation des capacités d’enfermement dans notre canton. A l’inverse, le groupe a appelé de ses vœux le développement des peines alternatives à la privation de liberté (comme les travaux d’intérêt général (TIG) ou encore, dans certains cas, les bracelets électroniques).

En bref : rénover, reconstruire, adapter la prise en charge et faire bouger les lignes sur le type de lieux, la formation et la réinsertion professionnelle en prison OUI ! Mais augmenter continuellement la capacité de détention, NON. Il est temps de remettre au centre la réflexion politique sur le rôle de la détention. Celle des Socialistes est claire : la stratégie pénitentiaire doit intégrer pleinement le respect de la dignité humaine et l’objectif de réinsertion, au sein de centres à taille humaine. Cela ne peut se faire qu’en prenant en compte l’ensemble des acteurs sur le territoire suisse et en s’inspirant de modèles ayant fait leurs preuves ailleurs.

Au vu du vote de cette loi-cadre, dans laquelle plusieurs zones d’ombres importantes demeurent, le PS restera particulièrement attentif au déploiement de cette planification pénitentiaire et rappellera, chaque fois que nécessaire, les principes cardinaux qui devraient, selon les Socialistes, guider l’action politique dans ce domaine si sensible.

Lire le rapport de la commission des visiteurs officiels

Thématiques associées: Justice et sécurité

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