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Oui à l’interdiction des symboles de haine dans les espaces publics

Entretien avec Martine Brunschwig Graf, ancienne Présidente de la Commission fédérale contre le racisme et ancienne présidente du Conseil d’État

La loi soumise au vote le 9 juin prévoit d’introduire dans la Constitution la lutte contre les discriminations et la haine. Elle stipule que « l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi, est interdit. »

À l’instar du Conseil d’État actuel, pensez-vous qu’il soit du devoir de l’État de combattre les idéologies discriminantes et racistes ?
MBG : La Constitution fédérale interdit la discrimination raciale (art.8, alinéa 2). Il appartient donc à l’État, à tous les niveaux, de veiller à ce que les citoyen-nes en soient protégé-es et à prendre les mesures nécessaires, le cas échéant, pour sanctionner la discrimination raciale. La liberté de penser est garantie. Ce qui est interdit, comme le prévoit l’article 261 bis du Code pénal, c’est « l’incitation à la haine, la discrimination et l’atteinte à la dignité humaine en raison de son/leur appartenance à une « race », une ethnie ou une religion. ». Ce qui doit être combattu, c’est la diffusion et la propagation d’idéologies discriminatoires et racistes. L’État doit donc se doter des instruments nécessaires pour assurer le respect de ce mandat constitutionnel.


Pour quelles raisons la Commission fédérale contre le racisme (CFR) estime-t-elle que la protection juridique contre les discriminations raciales reste lacunaire en Suisse ?
MBG : La CFR estime qu’il manque, dans le domaine du droit civil, des dispositions qui assurent une application efficace de l’interdiction de la discrimination raciale prévue par la Constitution. Elle a donc remis l’ouvrage sur le métier pour examiner les dispositions du droit civil qui pourraient faciliter l’accès à la justice pour les personnes victimes de discrimination au quotidien (travail, logement, etc.). Il s’agit de déterminer les dispositions les plus efficaces notamment pour ce qui concerne le fardeau de la preuve. Cela ne concerne pas directement le vote à venir et ce travail doit se poursuivre au niveau fédéral.

Pour quelles raisons les auteur-es de graffiti de symboles de haine ne sont sanctionné-es que pour dégradation et que pourra changer cette loi si elle est votée ?
MBG : L’utilisation publique de symboles nazis, racistes, extrémistes ou faisant l’apologie de la violence est punissable en droit actuel lorsque l’auteur-e entend ainsi propager publiquement une idéologie. Cet acte est réprimé par l’art. 261bis du code pénal. Les lacunes actuelles résident dans l’interprétation très restrictive faite de cette interdiction, raison pour laquelle l’interdiction de ces symboles permettrait de réprimer pénalement de manière plus efficace leur utilisation. En ce sens, comme le souligne d’ailleurs le Conseil fédéral dans un rapport récent, une législation cantonale adéquate permettrait de renforcer la lutte contre l’usage public et la propagation de ces symboles. L’adoption de la loi constitutionnelle soumise au vote populaire le 9 juin prochain serait, à cet égard, bienvenue et permettrait l’élaboration d’une loi d’application efficace.

Propos recueillis par Eloisa Gonzalez

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