En juin dernier, lors de la session d’été des chambres fédérales, nous avons assisté à la première expression concrète de l’illibéralisme au coeur de nos instituons démocratiques. En effet, le Conseil des États, puis le Conseil national, ont adopté chacun la déclaration politique “Pour la protection efficace des droits fondamentaux par les tribunaux internationaux plutôt qu’un activisme judiciaire” en réaction à la condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) dans l’affaire des Aînées pour le climat contre la Suisse.
Une déclaration politique, en violation du principe de la séparation des pouvoirs, qui s’attaque frontalement à l’activité judiciaire de la CrEDH en remettant en cause l’interprétation évolutive de la Charte européenne des droits de l’homme. Or, cette interprétation évolutive d’un texte adopté en 1950, a permis la reconnaissance de nombre de droits fondamentaux qui aujourd’hui apparaissent à toutes et tous comme une évidence. À titre d’exemple emblématique nous pouvons citer la non-discrimination à l’égard des homosexuels. Aujourd’hui, la remise en cause de la CrEDH relève des partis populistes de droite comme le PiS en Pologne, les Fratelli d’Italia en Italie ou le l’AfD en Allemagne. S’il n’est pas étonnant de voir l’UDC s’inscrire dans la remise en cause illibérale de nos institutions démocratiques, il y a quelque chose de profondément choquant de voir les élu-es du Centre et du PLR, qui se disent pourtant attaché-es aux principes de la séparation des pouvoirs et à la défense des droits humains, s’associer à ce discours.
Tout aussi grave est l’appel au Conseil fédéral à ne pas mettre en oeuvre l’arrêt. A ce jour, ce sont les régimes autocratiques, tels ceux d’Erdogan, d’Orban ou encore celui de Poutine, avant l’exclusion de la Russie du Conseil de l’Europe, qui ont refusé d’appliquer les arrêts de la CrEDH.
Même condamnée, la Suisse devrait être fière de cet arrêt qui pose des jalons juridiques essentiels de la protection du droit fondamental à la santé des générations futures dont l’exercice est mis en danger par le changement climatique. La CrEDH, s’inscrivant dans la dynamique de la protection de l’environnement qui touche toutes les hautes instances judiciaires nationales et internationales, permet de judiciariser les obligations étatiques internationales de lutte contre le changement climatique. Une avancée historique qui permettra aux citoyennes et citoyens, organisé-es en association à but idéal, d’agir en justice pour amener les responsables politiques à agir de manière conséquente en matière de protection du climat.
Pour que cela soit vraiment possible, il est essentiel de combattre l’illibéralisme en Suisse aussi.