Le référendum contre LPP 21 est une nouvelle étape pour la défense des retraites. Nous avons engagé cette bataille avec les syndicats et en particulier la Grève féministe, il y a plusieurs années, avec le refus de la baisse du taux de conversion en 2011 suivi du refus de Prévoyance vieillesse 2020 en 2017. Le Conseil fédéral et la droite patronale ont cependant maintenu le cap et scindé leur projet : AVS 21 pour l’âge de la retraite des femmes, LPP 21 pour le taux de conversion. S’opposer ne suffisait pas. Il fallait aussi fixer un cap social. L’USS l’a fait avec son initiative sur la 13e rente pour renforcer le système par répartition de l’AVS. Il faut maintenant refuser LPP 21 pour ne pas devoir payer plus pour recevoir moins.
Le coeur de LPP 21, c’est la baisse du taux de conversion de 6,8 % à 6 % – taux servant à convertir l’avoir de vieillesse en rente – qui induira des pertes de rente jusqu’à 15 % (jusqu’à CHF 270.-/mois). Sont touchés les salaires au-dessus d’environ CHF 4’500.-. Pour les personnes à bas revenus, les rentes seront améliorées, mais à quel prix ! LPP 21 abaissera le seuil à partir duquel il est obligatoire de cotiser (CHF 19’845.-/an au lieu de CHF 22’050.-). Cette nouveauté sert de prétexte à la droite pour vendre son projet comme une avancée sociale. Quelle tartufferie ! LPP 21 va ponctionner le salaire des travailleur-euses pauvres, sans qu’elles ou ils puissent en bénéficier puisque leurs retraites seront de toute façon inférieures aux barèmes des prestations complémentaires (PC). En réalité, cette revalorisation va permettre à l’État d’économiser sur les budgets alloués aux PC. Il en va de même pour la compensation prévue pour les 15 générations d’assuré-es qui suivront l’entrée en vigueur du projet. Cette compensation ne bénéficiera qu’à un quart des personnes concernées parce qu’elle est limitée aux assuré-es aux revenus modestes qui ont cotisé auparavant durant 15 ans. Comble du cynisme, elle sera financée non pas par l’État ou les employeurs, mais par les assuré-es eux-mêmes. A noter que seront dispensé-es de participer les salarié-es aux revenus qui dépassent CHF 150’000.- par année. Seul avantage, LPP 21 réduira de 2 à 4 paliers le pourcentage de cotisation (9 % puis 14 % dès 45 ans contre actuellement 18 % dès 55 ans).
LPP 21 profitera surtout aux grandes compagnies d’assurance-vie et aux intermédiaires financiers qui gèrent les plus de 1’000 milliards d’actifs du 2e pilier. Ce sont elles et eux qui ont façonné les grandes lignes du projet, au motif de difficultés à verser des rentes dans le contexte des taux bas et d’absence d’inflation. Ces difficultés sont toutes relatives. L’année dernière, les caisses ont obtenu un rendement à 2 chiffres tandis que l’intérêt minimal pour les assuré-es est resté à 1 %. Ces arguments ne tiennent pas, surtout avec le retour de l’inflation et la tendance à la hausse de ces taux d’intérêts. Raison de plus pour refuser LPP 21 le 22 septembre.
Des conséquences néfastes pour les femmes
Entretien avec Mathilde Mottet, coprésidente des Femmes socialistes suisses
Peux-tu nous expliquer en quoi le projet LPP21 est fondamentalement genré ?
Les hommes ont aussi beaucoup à perdre de cette réforme qui souhaite augmenter les cotisations et baisser les rentes. Après l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, on nous avait promis que la réforme du 2e pilier garantirait de meilleures rentes aux femmes. Or, ce n’est pas le cas car la réforme ne comprend pas de reconnaissance du travail du care non-rémunéré, dont la majorité est toujours accompli par les femmes. Cela explique en grande partie la différence de rentes dans le 2e pilier : les femmes reçoivent une rente presque de moitié inférieure à celle des hommes ! L’augmentation des cotisations va également avoir des conséquences directes sur les fins de mois de nombreuses femmes aux bas revenus.
La baisse du seuil d’accès au 2e pilier rend-il ce projet attractif pour les bas revenus, au sein desquels les femmes sont surreprésentées ?
Les personnes qui cumulent des petits emplois, qui travaillent à temps partiel ou qui ont un revenu bas sont majoritairement des femmes. Ce serait une bonne nouvelle si cette mesure n’était pas accompagnée de la baisse du taux de conversion minimal de 6.8 % à 6 % : cela signifie que les rentes annuelles du 2e pilier vont baisser. Or, les réformes de la LPP passées nous ont montré que baisser le seuil d’accès et le taux de conversion simultanément mène à une baisse du revenu global sur l’ensemble d’une vie. En plus, il n’y a aucune garantie de recevoir une rente digne une fois à la retraite car le 2e pilier ne compense toujours pas le renchérissement.
Question 3 : Est-ce qu’il y a des gagnant-es de cette réforme de la LPP ?
Oui : les caisses de pension, les banques et les assurances. Ces 20 dernières années, les compagnies d’assurances ont gagné presque 9 milliards de francs avec nos cotisations aux caisses de pension ! Et chaque personne qui a un 2e pilier paie en moyenne 1400 francs de frais administratifs par année. Ces revenus vont encore augmenter si les cotisations augmentent alors que nous aurons toujours moins d’argent pour nos retraites. C’est un scandale. Il est grand temps que tout le monde ait enfin une rente digne à la retraite et que le 2e pilier arrête d’aggraver à la retraite les inégalités économiques de la vie active !
Propos recueillis par Ludovic Iberg