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Gaza, Genève peut, Genève doit agir!

Sylvain Thevoz
Député au Grand Conseil — Travailleur social

Dans un parlement où la gauche n’occupe que 33 sièges sur 100 (PS 18, Verts 15), le Grand Conseil a voté en urgence, par 57 oui, 12 non et 18 abstentions ce vendredi 1er mars, sans examen préalable en commission, la Motion socialiste M 2996[1] Gaza, Genève peut, Genève doit agir ! Cette pétition a  obtenu un soutien au sein de tous les groupes politiques, illustrant le fait que, face à l’aggravation de la situation humanitaire à Gaza, se taire n’était pas une option acceptable et que l’indignation traversait tous les groupes politiques. La question humanitaire nous rassemble. Le silence et la complicité de nos autorités face au massacre nous indignent.  

Le terrible massacre à Gaza, jeudi passé, au Rond-point de Nabulsi, tuant 118 personnes lors d’une distribution alimentaire humanitaire est une illustration cruelle de l’extrême violence de cette guerre totale menée contre un peuple. Les attaques contre les civils, livrées de manière disproportionnée en représailles du massacre du 7 octobre sur sol israélien, salissent et blessent notre humanité.

Cette motion nomme l’effroyable boucherie en train d’opérer dans la bande de Gaza. A ce jour, plus de 30 000 personnes sont déjà mortes ; beaucoup d’autres sont portées disparues. Les forces de défense israéliennes (FDI) ont tué au moins 12 300 enfants palestiniens. Plus de 7000 personnes sont portées disparues sous les décombres, tandis que 70 000 personnes ont été blessées. Des centaines de milliers risquent désormais de mourir de faim. La catastrophe humanitaire s’aggrave de jour en jour pour les Palestiniennes et Palestiniens de Gaza, avec près de deux millions de personnes déplacées de force. Des centaines de milliers de personnes risquent, ces prochaines semaines, de mourir faute de soins médicaux, par épidémie, malnutrition et manque d’eau dans cette étroite bande de terre assiégée, privée d’eau, d’électricité, de nourriture, de soins. Les appels de détresse pour protéger la population civile de Gaza lancés sans cesse par les instances internationales et onusiennes (CICR, Cour internationale de justice, UNWRA, OMS, PAM, UNICEF, OCHA) pour arrêter la guerre, prévenir le crime de génocide et acheminer l’aide humanitaire et médicale massive et urgente demeurent pour le moment sans effets tangibles sur le terrain. On connait bien la phrase d’Albert Einstein : le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. Quelle réponse y apportons-nous ?

En 1862, Henry Dunant publiait « un Souvenir de Solferino ». Ce petit livre, souvenir d’une bataille dont Dunant a constaté les terribles conséquences sur les corps et les vies, allait marquer l’histoire. Il marque un tournant important. De celui-ci jaillira la création de la Croix-Rouge et plus tard une Convention internationale, la première « Convention de Genève ». Par la suite seront établis les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels, traités internationaux contenant les règles essentielles fixant des limites à la barbarie de la guerre. Ils protègent les personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades et les naufragés, les prisonniers de guerre). Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont au cœur du droit international humanitaire, la branche du droit international qui régit la conduite des conflits armés et vise à limiter leurs conséquences. Dunant nous oblige. Les Conventions de Genève nous obligent. A Genève encore moins qu’ailleurs nous pouvons nous permettre de demeurer silencieuses et silencieux, indifférent-e-s au sort des victimes civiles de cette guerre totale.  

Cette motion votée le 1er mars invite le Conseil d’Etat à intervenir auprès de la Confédération pour que la Suisse agisse avec tous les moyens politiques, diplomatiques, économiques et humanitaires à sa disposition afin de : favoriser un cessez-le-feu immédiat ; déployer toute autre mesure contribuant à prévenir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité de ce conflit armé ; œuvrer à la libération de toutes et tous les otages de ce terrible conflit. Elle invite le Conseil d’Etat à prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer, si possible en collaboration avec la Confédération, à l’acheminement urgent et massif d’aide humanitaire et médicale à Gaza ; à contribuer et à faciliter toutes les démarches administratives, logistiques, financières et médicales pour l’accueil et le traitement dans des hôpitaux genevois et suisses des victimes de la guerre à Gaza et de leurs accompagnantes et accompagnants. C’est le deuxième objet parlementaire, après la résolution votée le 15 novembre 2023[2] : « Cessez-le-feu ! Pour la protection des civils et le respect du droit humanitaire en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés » qui invite le Conseil d’Etat à sortir de son silence et de sa passivité. Nous suivrons attentivement le traitement que le Conseil d’Etat apportera à cette motion afin que Genève soit à la hauteur de son héritage et de sa tradition humaniste, et y engage des moyens.

Le drame absolu des femmes et des enfants périssant par milliers à Gaza nous choque. Les traumatismes sont et seront incommensurables. Chaque geste, chaque initiative pour préserver les civils doivent être soutenus. De multiples personnes agissent à leur échelle pour limiter les souffrances humaines de cette guerre. A Genève, le docteur Raouf Salti notamment a remué ciel et terre pour faire venir des enfants dans notre cité afin qu’ils puissent y être soignés[3], » ; qu’il en soit profondément remercié. Il est toutefois évident que toutes les bonnes volontés individuelles du monde demeurent comme des gouttes d’eau dans un océan de désespoir et de sang, d’autant plus si elles ne sont pas relayées, soutenues et amplifiées à un niveau institutionnel, étatique. Les embûches administratives, la charge financière démesurée, le silence, l’indifférence ou la peur devant l’indicible carnage qui se déroule sous nos yeux ne doivent pas l’emporter sur l’impératif moral à agir. A cette fin, il est important de saluer les camarades qui ont adressé une lettre au Conseil fédéral et aux chambres afin de secouer le landerneau bernois sur cette question.[4] Saluer aussi la résolution votée lors du congrès du PSS à Genève le 24 février dernier.[5] Bien entendu, il y aura toujours des personnes pour dire : à quoi bon, et pour quels résultats ? Que proposent-elles ? Se taire n’est pas une option. Les volontés citoyennes sont multiples[6] et l’opinion publique massivement en faveur de l’arrêt des violences. Il nous revient de faire notre part pour bouger nos autorités, encore trop inhibées, indifférentes, ou tétanisées à ce sujet.


[1] https://ge.ch/grandconseil/data/loisvotee/MV02996.pdf

[2] https://ge.ch/grandconseil/data/texte/R01026.pdf

[3] www.rts.ch/play/tv/mise-au-point/video/gaza-geneve–des-enfants-sortis-de-lenfer?urn=urn:rts:video:14710619

[4] www.blick.ch/fr/news/suisse/pression-sur-les-elus-federaux-94-socialistes-denoncent-la-guerre-genocidaire-menee-par-israel-id19495899.html

[5] https://view.officeapps.live.com/op/view.aspx?src=https%3A%2F%2Fwww.sp-ps.ch%2Fwp-content%2Fuploads%2F2024%2F02%2FPour-un-cessez-le-feu-immediat-et-une-paix-juste-au-Proche-Orient.docx&wdOrigin=BROWSELINK

[6] https://lecourrier.ch/2024/02/28/une-petition-pour-soutenir-gaza/

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