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Idéologies de la haine à Genève : No pasarán

Carole-Anne Kast
Conseillère d'Etat

Le 9 juin prochain, nous voterons sur l’interdiction des symboles de haine dans les espaces publics. Cet article constitutionnel prévoit que le Conseil d’Etat devra rédiger une loi pour que l’Etat mette en œuvre une politique de “lutte contre les discriminations et la haine” et “interdise l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi, dans les espaces publics”.

Aujourd’hui ces symboles, au nombre limité et facilement identifiables, sont interdits par le code pénal suisse uniquement s’ils sont utilisés dans un but de propagande afin de “convaincre” d’autres personnes de leur idéologie (par exemple dans une manifestation d’extrême-droite où les personnes feraient le salut hitlérien dans la rue ou arboreraient des brassards nazis). En dehors de cette utilisation sur le domaine public, l’utilisation de symboles et gestes racistes n’est pas punissable (par exemple dans un rassemblement se déroulant dans un lieu privé ou l’exhibition de drapeaux avec une croix gammée sur son balcon).

Cela démontre une lacune importante de lutte contre les idéologies racistes de haine. Elles ne doivent pas avoir le droit de s’exhiber dans l’espace public comme toute autre opinion, car en plus de constituer un acte de violence envers les personnes visées, elles attaquent toute personne qui refuse qu’un être humain soit discriminé. Elles considèrent des individus comme des membres d’un groupe jugé inférieur. Faire d’un groupe identitaire (comme les pauvres, les juif-ves, les noir-es, les personnes homosexuelles ou handicapées…) la source de tous nos maux, et présenter comme remède la disparition totale d’un groupe, fait référence aux heures sombres de l’histoire et ne doit plus jamais se reproduire.

Ainsi, contrairement à ce que déclare Yves Nidegger, qui a finalement retourné le soutien de l’UDC genevoise à ce texte et qui appelle aujourd’hui à le refuser: ce n’est pas une démarche visant à donner “bonne conscience” aux politicien-nes.

Dans un contexte de forte progression de l’extrême-droite en Europe (Portugal, Italie, Hongrie, Slovaquie, Pays-Bas…) depuis 2010, et à quelques semaines des élections des eurodéputé-es, il y a de quoi s’inquiéter de la montée des discours xénophobes et discriminants et de la banalisation de l’idéologie nativiste. La Suisse n’est pas en reste et doit aussi prendre ses responsabilités afin de condamner sans ambiguïté tout acte et propos raciste, antisémite et islamophobe peu importe le contexte. Les idéologies racistes sont à combattre sur tous les fronts parce qu’elles constituent la négation même de l’humanité.

Ces inquiétudes ont également été manifestées il y a deux semaines au Parlement fédéral dans le cadre des débats sur plusieurs objets. Malgré l’opposition majoritaire dans les rangs UDC, le Conseil fédéral a reçu le mandat formuler une loi portant d’abord sur “l’interdiction des symboles nazis”.

La Berne fédérale n’en est qu’aux prémisses. D’ici là, Genève a l’occasion de se montrer une nouvelle fois pionnière et de réaffirmer l’importance de l’identité de Genève en tant que ville de paix, ville du droit international humanitaire, des Conventions de Genève et des droits inaliénables de la personne. Raphaël Mahaim rappelait à Berne les mots prémonitoires de Robert Badinter : « la complaisance nourrit le préjugé, le préjugé nourrit la mort, parce qu’il engendre la haine ».

Je vous invite donc à vous opposer sans complaisance à toute exclusion, à faire preuve de résistance et à réaffirmer clairement, en cette veille de 1er mai, “no pasarán” aux discours de haine.

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