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Non aux assignations à résidence sans preuve!

Florian Schweri
Conseiller municipal suppléant en Ville de Genève — Juriste

La nouvelle loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme veut donner à l’Office fédéral de la police (fedpol) le droit de prononcer toute une série de mesures préventives contre les « terroristes potentiels ». La lutte contre le terrorisme est bien entendu légitime et la modification du Code pénal n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un référendum. Cette loi-ci, en revanche, pose de graves problèmes vis-à-vis de l’État de droit.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un « terroriste potentiel »? Selon la loi, il s’agit de quelqu’un dont on présume qu’il mènera des activités terroristes, c’est-à-dire toutes les « actions visant à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être favorisées par la commission d’infraction graves, la menace de telles infractions ou la propagation de la crainte ». Manifester ou signer une initiative populaire, par exemple, vise à modifier l’ordre étatique. Et qu’est-ce que la propagation de la crainte ? Ce sera au policier de choisir…espérons qu’il ne soit pas de nature craintive !

Ensuite, cette loi représente un changement de paradigme car elle se situe en dehors de la procédure pénale. En passant aux mesures préventives, on passe à un système où les preuves par définition n’existent pas, et où les simples soupçons de la police (exemple du Conseil fédéral : un like sur Facebook) suffisent à prononcer des interdictions de zones géographiques, de contact avec certaines personnes, de contrôler le tout avec un bracelet électronique, jusqu’à 12 mois ! Et pour les fortes têtes, on envisage même l’assignation à résidence pendant 9 mois.

Enfin, la procédure prévue est une prise de pouvoir de la police sur les tribunaux. En effet, à l’exception de l’assignation à résidence, toutes les autres mesures seraient ordonnées par fedpol seul. Un recours sera certes possible mais coûte cher et prend du temps, sans aucune garantie de succès puisque par définition, il sera impossible de prouver l’(in)utilité d’une mesure préventive. Combiné au large pouvoir d’appréciation qui sera octroyé à fedpol concernant le choix des personnes à considérer comme terroristes, cette situation rend l’application de la loi totalement incertaine et difficilement contrôlable.

Voici donc un chèque en blanc donné à fedpol. Prendre des mesures pour plusieurs mois, sans preuve et sans contrôle judiciaire ne peut pas être une compétence revenant à quelques policiers. Que la police enquête, soit, c’est son rôle, mais il faut que les mesures concrètes soient ordonnées par un tribunal. Parce que la Suisse est un État de droit.

Thématiques associées: Justice et sécurité

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