Le Grand Conseil votera ce soir sur l’initiative 184 du Parti Vert’libéral (PVL), qui selon toute vraisemblance devrait recueillir le soutien d’une majorité de droite élargie (UDC, PLR, Centre et MCG). Cette initiative au titre trompeur prétend instaurer un congé parental à Genève ; il n’en est pourtant rien. Pis, le texte ouvre la voie à un grignotage programmé du congé maternité et pourrait même anéantir le dispositif de la LAMat. Face à l’hypocrisie du camp bourgeois, qui tente de s’attirer les faveurs de l’électorat féminin à quelques mois des élections, les partis de gauche réitèrent leur proposition d’un contre-projet crédible. Oui le congé parental doit advenir, mais pas à n’importe quel prix !
Une initiative opportuniste et mal ficelée
En intitulant de manière trompeuse leur initiative « Pour un congé parental maintenant ! », il est peu surprenant que les initiant-es soient parvenu-es à recueillir les paraphes nécessaires au dépôt du texte, tant la population genevoise n’en peut plus d’attendre.
Malgré le rôle pionner de Genève en matière de congé maternité et le timide progrès obtenu récemment pour les pères au niveau national, force est de constater qu’un véritable congé permettant aux deux parents d’endosser pleinement et de manière égalitaire cette fonction fait toujours défaut. Une lacune que feint de combler l’initiative bancale et inaboutie du PVL. En réalité, il n’en est rien.
Un congé… à négocier ! Maladresse ou mensonge délibéré ?
Le texte ne garantit en effet aucunement aux Genevoises et aux Genevois qu’elles et ils pourraient effectivement bénéficier d’un tel congé en cas d’acceptation de l’initiative. S’il est bien prévu de mettre en place un financement obligatoire ad hoc (encore que les modalités de celui-ci soient particulièrement floues), le texte ne crée en revanche aucun droit au congé parental. Et pour cause, puisqu’il prévoit que soit laissé au libre choix de chaque employeur de le proposer, ou non, à ses employé-es…
La piste d’une cotisation paritaire ayant été développée par les initiant-es, il en résulterait une situation inéquitable dans laquelle toutes les travailleuses et travailleurs cotiseraient, mais seul-es celles et ceux dont l’employeur y est favorable pourraient effectivement en bénéficier. A cette inégalité de traitement s’ajoute que l’initiative ne prévoit rien pour les indépendant-es, contrairement à l’actuelle LAMat.
Outre le fait que les cantons n’ont en principe pas la compétence pour octroyer un congé non-prévu par le droit fédéral (insécurité qui pourrait mener in fine à l’invalidation du texte par le Tribunal fédéral), il est pour le moins contestable d’induire ainsi en erreur la population, en l’appelant à soutenir un congé pourtant inscrit nulle part. En jouant sur les mots et en entretenant le flou autour de la portée réelle du texte, les initiant-es se sont rendu-es coupable de pratiques sinon illégales, du moins malhonnêtes.
Mise en péril des acquis genevois
Plus grave encore, cette initiative risque de faire vaciller un acquis social fondamental, obtenu de haute lutte par nos mères : celui du congé maternité, de 16 semaines à Genève. Le texte prévoit en effet que chacun des deux membres du couple puisse céder à l’autre 2 semaines de son propre congé, faisant complètement fi des rapports sociaux de domination et des pressions qui ne manqueront pas de surgir sur les femmes, dans les foyers comme sur les lieux de travail.
En outre, en prévoyant de modifier directement le dispositif de la LAMat, voire de s’y substituer, c’est tout l’édifice des acquis genevois dans le domaine de la maternité qui est menacé. Après le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite des femmes en septembre dernier, et moins de 4 ans après la grève féministe du 14 juin, ce nouveau signal politique est catastrophique.
Pour un contre-projet crédible
La droite, qui ose tout, se fait aujourd’hui passer pour la locomotive du progrès social et n’hésite pas à accuser la gauche de ne pas soutenir la cause du congé parental. Un comble lorsque l’on sait que ce sont les mêmes qui ont refusé d’ouvrir la porte à un quelconque contre-projet et qui ont balayé le projet de loi de l’Alternative, qui proposait un renforcement des congés maternité et paternité en les portant à 18 semaines chacun. L’indemnisation à 100% du congé maternité n’a pas connu un meilleur sort.
Ultime tentative de sauvetage, et preuve s’il en fallait encore une de la bonne volonté des partis de l’Alternative, ces derniers demanderont ce soir l’ajout et le traitement en urgence d’un projet de loi valant nouvelle proposition de contre-projet à l’IN 184. Il s’agit cette fois d’une reprise au plus proche de l’intention de l’IN 184, au détail près – mais fondamental ! – que le texte instaurerait une nouvelle prestation à part entière, et non un partage hasardeux de l’existant.
Espérons que la majorité saura entendre raison et qu’elle acceptera enfin d’ouvrir la discussion sur une alternative à une initiative si mauvaise qu’elle a quasiment fait l’unanimité contre elle lors des auditions en commission (BPEV et partenaires sociaux, en particulier, l’ayant rejetée).
Dans le cas contraire, faute de garantie formelle de préservation des acquis, il ne restera qu’à appeler la population à ne pas se laisser éblouir par les promesses fallacieuses d’une droite qui refuse d’assumer le coût véritable d’une plus grande égalité des genres et d’une meilleure conciliation entre vies professionnelle et privée.
A n’en pas douter, le combat pour un véritable congé parental s’annonce encore long…
Lien vers la nouvelle proposition de contre-projet
Personnes de contact :
- Jocelyne Haller, députée EAG, première rapporteuse de minorité
- Sylvain Thévoz, député Socialiste, deuxième rapporteur de minorité
- Didier Bonny, député Vert, troisième rapporteur de minorité