L’initiative pour une transition rapide vers le solaire et son contreprojet s’inscrivent tous deux dans une approche explicitement libérale, ce qui pose la question de la répartition des coûts. Entretien avec Caroline Renold, députée socialiste au Grand Conseil et avocate à l’ASLOCA.
Le PS a choisi comme mot d’ordre de laisser la liberté de vote entre l’initiative et le contreprojet. Comment est-ce que l’ASLOCA se positionne ?
La transition énergétique est une évidence pour la défense des locataires, qui sont des citoyen-nes touché-es par la crise climatique et énergétique. Elle doit se faire avec les locataires et non contre eux : il n’y a pas de justice climatique sans justice sociale ! Ce n’est en effet pas aux locataires de payer seul-es la facture de la transition énergétique, qui bénéficie à toutes et tous. L’initiative va trop loin en imposant une obligation d’équipement de l’ensemble des bâtiments du canton, sans discrimination. Le contreprojet est plus raisonnable en ciblant les gros consommateurs, les rénovations importantes et les nouvelles constructions.
Est-ce les locataires qui paieront le prix de la transition solaire ?
Tant l’initiative que le contreprojet excluent la répercussion des coûts d’installation sur les locataires, si le ou la propriétaire fait appel aux mécanismes de soutien public (garantie du prix ou subvention). Ainsi les intérêts des locataires sont protégés, autant qu’il était possible de le faire au niveau cantonal. Rappelons en effet que, selon le droit fédéral, le bailleur ou la bailleresse pourrait reporter sur le ou la locataire les coûts de ces travaux à plus-value. Dans un contexte genevois où l’immense majorité des loyers sont abusifs, il ne se justifie absolument pas de majorer l’abus perçu par le bailleur ou la bailleresse, ce d’autant plus que le ou la propriétaire percevra également un bénéfice en vendant le surplus d’électricité aux SIG.
En ce qui concerne les économies d’énergie, elles sont difficiles à évaluer, et dépendent de beaucoup de facteurs. On peut regretter que la proposition n’ait pas visé plus large. Elle demande à chaque propriétaire d’équiper son immeuble. Face à l’ampleur de la tâche, il aurait été plus intelligent de confier la réalisation de ces installations au service public, par exemple aux SIG, au besoin en les dotant d’un droit d’usage des toitures. On aurait ainsi pu réaliser de grandes économies d’échelle, éviter beaucoup de paperasse et sans doute améliorer le rendement des installations.
Est-ce que la pose de panneaux solaire se fera au détriment de la protection du patrimoine ?
Fondamentalement, protection du patrimoine et transition énergétique ne s’opposent pas ! Ces deux intérêts publics participent conjointement à notre qualité de vie. Il s’agit de préserver notre histoire et la qualité de notre bâti, tout en se préparant à mieux affronter notre futur. Cette approche fut le cœur de l’action menée en particulier par Christian Grobet, notre ancien Conseiller d’État et le fondateur de l’ASLOCA. Ces critiques émanant des milieux immobiliers font sourire, lorsque l’on sait qu’ils cherchent depuis des années à supprimer les règles de protection du patrimoine. De plus, en pratique, il n’y a aucun conflit : 85 % des bâtiments genevois peuvent être couverts de panneaux solaires sans implication patrimoniale.
Propos recueillis par Alexandre Goumaz