L’initiative populaire cantonale 187, intitulée “J’y vis, j’y paie !”, pourrait sembler, de prime abord, animée d’un souci d’équité fiscale. Pourtant, derrière ce slogan accrocheur se cache une menace réelle pour l’équilibre financier de nos communes et, par conséquent, pour la qualité des services publics qui font la richesse et la cohésion de notre canton. On pense ici aux charges à effet de débordement dont le sport, les loisirs et la culture.
Une remise en cause du système de péréquation
Aujourd’hui, notre modèle fiscal repose sur un principe de solidarité entre les communes, permettant de garantir un accès équitable aux infrastructures et services essentiels, indépendamment du lieu de résidence. Ce système complexe et compliqué est parfois qualifié de peu transparent ; un modèle vieux et obsolète à réformer en profondeur. Ces critiques ne sont pas dénuées de fondement. Toutefois, il serait faux de laisser croire que l’existant ne fonctionne pas et que le réformer peut se faire d’un coup de baguette magique.
Si cette initiative était adoptée par le peuple, les ressources fiscales des communes seraient profondément impactées, avec des disparités accrues entre les localités les plus aisées et celles qui dépendent des mécanismes de péréquation pour maintenir un niveau de services adéquat. Pour la Ville de Genève qui assume des prestations de Ville centre, reconnues dans le cadre de la péréquation intercommunale, la facture serait lourde. Il faudrait faire des choix difficiles et le monde culturel, fortement soutenu par la commune, se verrait certainement mis en danger.
Un risque pour la qualité des services publics : le Grand-Théâtre comme illustration
Le Grand-Théâtre est aujourd’hui la plus grande et la plus coûteuse des institutions culturelles de Genève et de sa région. La Ville de Genève finance à elle seule l’institution à hauteur de 67 %. L’ACG soutient financièrement la Maison via le Fonds intercommunal à hauteur de 2,5 millions. Le canton, quant à lui, s’est engagé à partir de 2025 à hauteur de 600’000 francs, puis à 1,2 million dès 2026.
Par ailleurs, si le principe de la fiscalité uniquement sur le lieu de domicile peut paraître séduisant de prime abord, il est bon de rappeler que le public du Grand-Théâtre ne se compose pas uniquement de résident-es de la Ville de Genève. Comme toutes les institutions, le public se répartit largement sur l’ensemble du canton (61 %), le reste des spectateur-rices résidant à l’extérieur du canton (Suisse et France voisine). Les spectateur-rices domicilié-es quant à elles et eux en Ville constituent 38 % du public. Un exemple qui démontre que l’actuel système de péréquation, imparfait peut-être, demeure néanmoins juste et essentiel au financement culturel de l’art lyrique et de la danse.