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Fiscalité immobilière: pour un minimum de justice!

Christian Dandrès
Conseiller national — Président du syndicat SSP-VPOD

Depuis 3 ans, la droite se démène pour maintenir une niche fiscale de 220 millions de francs en faveur de certains propriétaires. Elle s’apprêtait à gagner la partie grâce à une habile manœuvre de Mme Fontanet. La démission de Pierre Maudet et l’élection complémentaire pourraient changer la donne.

Bref rappel des faits. La Confédération exige que la fortune immobilière soit imposée à sa valeur vénale, qui a augmenté ces dernières années : + 19,3% pour les villas et + 25,9% pour les PPE entre 2008 et 2017. Les milieux immobiliers ont réussi à faire bloquer cette valeur à son niveau de 1964, avec quelques ajustements. En 2018, ils ont tenté leur va-tout lorsque le Conseil d’État a proposé de revoir forfaitairement ces valeurs, en creusant la niche fiscale et en la bloquant sur 10 ans[1]. La justice a été saisie. Elle a constaté que la loi votée par cette majorité (LEFI) était illégale et a invité les autorités politiques à agir (ACST/42/2019[2]). Mme Fontanet a alors fait preuve d’habileté tactique en préparant un paquet ficelé mêlant réévaluation fiscale des immeubles et en particulier une réduction linéaire de l’impôt sur la fortune (15% soit 94,8 millions de francs par an[3]). Elle n’a pas fait mystère de son objectif politique : « Cela nous permettra de gagner en attractivité pour les gros contribuables »[4]. On ne saurait mieux dire puisque cette nouvelle baisse d’impôt profiterait au 1% des plus riches. Pour rappel, 85% des personnes qui ne sont pas propriétaires d’un bien immobilier ne paient pas d’impôt sur la fortune, tandis que les 14% restant obtiendraient avec le projet de Mme Fontanet une réduction d’impôt de 200 francs seulement par an en moyenne.

En utilisant l’instrument du paquet ficelé, la droite s’assure de sortir gagnante quoi qu’il arrive : si le projet était refusé par le Grand Conseil, la niche fiscale pourrait subsister, s’il était accepté, il s’agirait d’un puissant coup de rabot sur les mécanismes de redistribution par l’impôt. Pour l’instant, la majorité de droite au Grand Conseil joue la montre. Chaque année fiscale qui passe est au bénéfice de sa clientèle politique.

La nouvelle majorité Rose-Verte au Conseil d’Etat doit siffler la fin de la partie pour la droite en détricotant le paquet ficelé de Mme Fontanet et en rétablissant sans délai une imposition conforme au droit fédéral et à la Constitution, dans l’attente d’une loi cantonale. La Cour de justice a évoqué cette possibilité : « Le Grand Conseil devra rapidement modifier cette disposition afin de rendre l’art. 2 LEFI compatible avec le principe de l’égalité de traitement et de l’imposition selon la capacité contributive. Dans l’intervalle, il reste la possibilité de remédier à une situation contraire à la Constitution par la voie du contrôle concret de la norme ». Ceci permettrait de ne pas être le jouet de manœuvres politicardes de la droite et de disposer de recettes fiscales pour soutenir la population en cette période de crise, avec des aides et le renforcement du service public.

[1] https://ge.ch/grandconseil/search?search=12403

[2] https://justice.ge.ch/apps/decis/fr/cst/show/2285818

[3] https://ge.ch/grandconseil/search?search=12773

[4] www.tdg.ch/une-reforme-fiscale-attend-60000-proprietaires-690453858781

Thématiques associées: Fiscalité , Logement

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